Le coquillage souffre-t-il lorsqu’en lui naît la perle ? Ainsi, le papillon souffre-t-il dans sa longue métamorphose vers la beauté éphémère ? Nichés dans l’obscurité, rêvent-ils ? Sommes-nous capables de pénétrer derrière leur écrin protecteur, nous engager dans les trajectoires de leurs rêves, de leurs désirs et de leurs envies ? Pouvons-nous saisir ce mince filet entre les illusions du réveil et l’incertitude déconcertante du sommeil ? Cet instant peut-il être capté, retenu?

Pendant des années, j’ai travaillé sur différentes séries surnommées Ballet où j’essayais de représenter la danse, la pureté délicate des mouvements et les courbes exquises des corps. Le travail de longue haleine sur chacune de ces œuvres m’a permis d’entrer de plus en plus en profondeur, m’a fait reconnaître les images qui prennent forme sur la toile, m’a fait réfléchir. Le besoin de reproduire la grâce admirable et la légèreté des ballerines a cédé place au désir d’atteindre cet espace intime jalousement gardé, tel le coquillage qui renferme en soi une perle précieuse.

Lors du processus de travail avec mes modèles, les ballerines de l’Opéra National de Sofia, j’ai eu un autre regard, je les ai vues sous un angle différent, notamment la partie cachée de leur monde intérieur. Pendant les moments de repos, elles prenaient des pauses détendues, immobilisées, agiles, délicates, ressemblant à des papillons plongés dans le sommeil. Pourtant, derrière leur sublime apparence, je pouvais deviner une énorme force interne née de la souffrance et la fatigue, des années de dur labeur et de privations. Une force privée du pouvoir de destruction, dissimulée sous un tutu éthéré, pareille au coquillage capable de transformer en un clin d’œil celui qui viendra l’effleurer.

Toutes ces pensées et allusions ont donné naissance au titre de l’exposition : Butterflies Inside The Shell. En espérant que les spectateurs se laisseront entrainer dans cette expérience passionnante.

- OGNIAN ZEKOFF  B. 1964, Pleven, Bulgaria